"Ici I.A. Nous n’avons eu d’autre choix que d’interrompre votre cryogénie. Nous sommes navrés. Vous allez être transféré en salle de réveil et pourrez alors sortir."
La voix vibre dans sa tête comme le ferait un marteau sur une enclume. Ça fait mal. Elle ne comprend pas où elle est, mais pour le moment, elle sait qu'elle doit se tirer de ce mauvais pas. Ses membres sont tous plongés dans ce qui pourrait être une sorte de liquide amniotique. Ses cheveux sont mouillés, et sa bouche s'ouvre, par réflexe.
C'est comme une bolée d'air qui sort de sa bouche.
Quelque chose qui veut rentrer avec désespoir, qui n'a pas été là pendant trop longtemps. La petite fille se tortilla pendant quelques secondes dans le boyau, se convulsa avant d'en sortir, à bout de souffle.
Elle ne pensa pas tout de suite à rechercher son identité, son prénom : non. Ce qui la préoccupa plutôt, ce fut l'air. L'air qui rentrait dans ses poumons et le décor tout autour d'elle. Il n'y avait rien que d'autres capsules, et elle n'avait sur sa peau bronzée rien d'autre qu'une chemise qui semblait tout droit être sortie d'un hôpital. Elle avait des courbatures, aux bras, aux jambes, un peu partout.
Phaedra ouvrit très grand la bouche, comme pour aspirer tout l'air possible, leva les mains très haut et regarda au-dessus de sa tête : le plafond était de métal, et la salle était d'une belle couleur bleutée. D'où venait les mots qu'elle prononçait et auxquelles elle pensait ? Pourquoi ne s'interrogeait-elle pas plus que cela ? ...Pour le moment, l'heure était à la découverte. Celle qui était immatriculée EV-337 avançait péniblement dans le couloir comme si elle avait perdu l'habitude de marcher des mois auparavant. Sa peau était mouillée, et ses petits pieds laissaient des traces derrière elle. Elle avait froid, pourquoi n'avait-elle pas de couverture ? Mais enfin, était-elle seule, par ici ?
Une soudaine envie de faire des bêtises la prit. Elle ne savait pas comment c'était venu, ni pourquoi, mais c'était là, et c'était tout. EZ-337 regarda ses mains et distingua – enfin – le bracelet. Les chiffres, et puis le numéro. Elle reposa la main sur un truc froid, pour la retirer aussitôt, comme si elle s'était brûlée. Toute seule. Si elle était toute seule, EZ-337 savait déjà qu'elle ne pourrait le supporter : comment le savait-elle ? C'était comme ça, et c'était tout. Elle avait déjà envie de courir, de pouvoir s'échapper, de voler de ses propres ailes et surtout : de parler.
« Y'a quelqu'un ! », cria-t-elle en anglais, puis une deuxième fois en espagnol. « QUELQU'UN ??? BON SANG, REVEILLEZ-VOUS !!! ...Vous êtes tous morts, c'est ça ? Tous ? »