« Let's dance »

Welcome

Il y a tellement d'images dans ma tête. Une tornade, un océan de visages, de sons, de lumières. Elles s’enchaînent, se répètent, comme une litanie, un rêve qui n'en finira jamais. Une infinité de fragments de ma mémoire, s'élimant au fur et à mesure que je les vois jusqu'à disparaître, usée, polie, illisible. Trop de temps, trop d'espace et de rêverie. Ça ne s'arrêtera jamais. Mon inconscient restera maître de mon esprit. Les images défilent, s’effilent, se déchirent.

Et soudain, tout éclate. Tout devient blanc, il n'y a plus rien, plus d'images, plus de sons. Le néant.

°Ici I.A. Nous n’avons eu d’autre choix que d’interrompre votre cryogénie. Nous sommes navrés. Vous allez être transféré en salle de réveil et pourrez alors sortir.°

Il y a une voix. Une vrai voix, ou plus ou moins en tout cas. Mais elle est là, je peux l'entendre, elle n'est pas comme les autres. Elle semble réelle, venir d'un monde dont j'avais perdu l'espoir d'y revenir. Des sens que je n'espérais plus ressentir s'éveillent. Mes paupières autrefois cousues ne le sont plus. Mes yeux s'ouvrent enfin, la pupille rétrécit, la vue renaît. Une vitre s'ouvre dans mon champ de vision. L'ouverture sur mon réveil. Mes sensations tapent à la porte, et pas des meilleures. Je me redresse, prise de haut-le-cœur, ma chevelure enfin libérée en profite pour prendre l'air, s'agitant à chacun de mes mouvements.

- Putain...

Quel mot enthousiaste et plein de reconnaissances pour m'avoir sortie de ce trou, de ce cercueil gelé. Qui m'a sorti de là? Pourquoi je suis vivante, à respirer de l'oxygène? A vouloir rendre ce qui se trouve dans mon estomac séché? Je secoue la tête, papillonne, relève mon visage pâle. Je ne suis pas seule, d'autres personnes se trouvent là, sortent de leur boite, suivent des lumières. J'inspire, je ne me sens pas bien du tout, j'enfouis mon visage entre mes mains, attendant que les nausées passent. Et aussitôt, des questions m'assaillent, me poignardent tant elles se trouvent sans réponse.

Mes souvenirs...

Qu'est-ce que je fais là?

Qui suis-je?

Qui sont ces gens?

C'est quoi ce vaisseau?


Je ne sais rien, décidément rien. Cela me trouble, je préférerai me rendormir, mais je sais que je ne peux pas. Les nausées s'évaporent lentement, au bout d'une dizaine de minutes, et je redresse la tête dans une légère secousse. Les gens m'ignorent. Certains s'assemblent. Mais je n'en ai pas vraiment envie, je ne veux pas aller vers les gens. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Ma tête est vide , vide de souvenirs, de réponses, de mon passé. Je cherche quelque chose qui pourrait m'aider, une simple chose... Mon regard abysse se porte à la plaque que j'ai au cou.

-HV-258... Enchantée...

J'imagine qu'il s'agit de moi.. J'ai un drôle de nom. On dirait plutôt un... matricule. Mais je n'ai pas les idées claires, elles s’entremêlent et m'empêchent de réfléchir, mon crâne vrille. Je m'exprime en russe, même si je ne peux pas mettre le nom sur cette langue, techniquement. Je relâche la plaque, elle ne m'est d'aucune utilité. Je regarde autour de moi. Cherchant à analyser, repérer une petite chose qui puisse m'aider. Je sais lire des affiches, mais elles ne trouvent pas encore de sens dans ma tête embrumée. Je me lève, je titube. Tout ne va pas bien. Je lâche toutes les insultes que je connais dans deux langues différentes. Je suis seule, malade, nouvelle, perdue.

J'ai le sentiment que je dois me débrouiller... Mais surtout que j'ai l'habitude de devoir toujours le faire sans aide...

-Qu'est-ce que je fiche ici...

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« Let's dance »

Hello

Vous allez bien mademoiselle?

C'est qui ce mec. Je plisse les yeux, regarde l'homme à la tête bizarre qui s'est approché de moi. Il a garabouiné un truc incompréhensible puis il s'est rattrapé, pour me demander.. Si ça va? Il le voit pas non? C'est surement pour engager la conversation oui. Pourquoi moi? Parce que je suis rousse, c'est ça?
Pourquoi je dis ça moi, ça n'a rien à voir. Un vieux réflexe bizarre, faut croire. Je secoue un peu la tête. Je tiens debout, c'est déjà ça, je peux me tenir droite, mes idées commençent à s'éclaircir. En fait, je tiens debout parce qu'il m'aide à marcher. Je tique. Je ne sais pas pourquoi, mais je n'aime pas qu'il m'aide. J'essaye de tenir seule. Mais je n'y arrive pas, je me sens défaillir. Du coup, je me rattrape à lui, non sans un pincement au coeur. Je tiens à ma fierté quand même, je ne voudrais pas m'étaler comme une abrutie devant lui. Mon image serait tout de suite détruite, réduite en morceau, en lambeau, disséminée dans l'espace.
Bon, je dois me calmer, réfléchir. Je me stabilise en me tenant à cet inconnu.

-J'vais bien, ça va.

Je peux en profiter, il s'est intéressé à moi, je ne peux pas laisser passer l'occasion. Je n'affiche aucun sourire, mais j'aurais bien voulu. Je n'aime pas sourire, faut croire. Je m'exprime dans la langue qui m'est le plus naturel, je ne sais même pas si c'est la même qu'il a utilisé. C'est le bordel en fait. Non, stop, je dois me concentrer. Il sait peut-être quelques petites choses sur cet endroit.

-Mais à vrai dire, j'comprends rien à la situation actuelle...

Je soupire légèrement malgré moi, mais je ne baisse pas la tête, ce serait comme une marque de... Soumission. Je ne voudrais pas être soumise d'aucune manière. Je garde le menton bien levé, le regardant dans les yeux, ou les fentes qui lui servent d'yeux. Comment il voit, d'ailleurs? Non, ce n'est pas une question que je me pose. Déjà, j'aimer ais m'asseoir. Je cherche un endroit, n'importe lequel. Ma cuve de cryogénisation a déjà disparue dans les entrailles du vaisseau. Je ne trouve rien, il doit avoir trop de gens, ou ce n'est pas l'endroit. Ca m'embête. Ca se voit sur mon visage d'ailleurs.

-Vous en savez plus, vous? Vous m'expliqueriez dans un endroit où je peux m'asseoir, si possible pas trop loin d'ici? Dans la même pièce en fait.

Je suis exigente, bon dieu. Je n'aime pas ça. Je ne peux m'empêcher de rajouter...

-Enfin, dans l'idéal, pas obligé.  

J'ai l'air bête. Pourtant, mon attitude n'en démord pas, j'ai toujours l'air déterminée, sure de moi, forte. Mes jambes ont la tremblote mais j'ai l'air forte. C'est tout le paradoxe. Je ressens vraiment le besoin de poser des questions. Or, je n'avais pas envie d'aide, plus tôt.

Je ne me comprends pas moi-même.

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« Let's dance »

Time to ask

On pouvait quitter la pièce. Mais le sol est une option qui me plait tout autant. Je n'ai que faire du confort, en fait. Il n'est pas très très utile dans des cas pareils, il vaut mieux que les choses soient pratiques au lieu de confortables. Cela s'impose dans mon esprit comme une évidence. Les réflexes, mes idéaux semblent resurgirent à chaque moment, à chaque interrogation. Ils reviennent, sortent de la terre pour se présenter à moi comme si je les connaissais depuis longtemps. D'ailleurs, c'est le cas, ils faisaient déjà partie de moi, et reprennent un peu de place dans le vide douloureux dans mon esprit. J'aimerais tellement retrouver ma mémoire. Mais je sais qu'il faudra être patient et qu'il n'y a rien à espérer de cela pour les prochaines heures, voire jours. Je n'en sais rien et cela m'horripile. Je ne sais rien en général, toujours, encore maintenant, rien ne revient, même après quelques efforts silencieux.

Je décide de laisser tomber ce rêve lointain et me concentrer sur la situation présente. Cela vaut mieux, je dois comprendre, analyser, assimiler et réagir. Ce schéma se dessine dans mon crâne, ou plutôt, je semble seulement le retrouver imprimé à jamais dans un coin des recoins de ma tête.

- Écoutez-moi bien.

Ça pour t'écouter je vais vraiment t'écouter, ne t'inquiète pas. Et au moins, je comprends ce qu'il dit. Il a l'air de bien s'y connaitre. J'hoche la tête, attentive et sage. Comme habituée à écouter, sans rien faire.

-Vous venez de sortir de cryogénisation, nous sommes en réalité dans un vaisseau spatial... Dans l'espace. Nous ignorons où va le vaisseau ou encore son but. Nous sommes plus d'une trentaine dans le vaisseau, certains ne parlent même pas des langues que nous arrivons à comprendre.

Les langues bien sur, il y en a des différentes, il doit en avoir beaucoup, qui sait, peut-être autant que les personnes présentes? Ce n'est pas le moment de commencer des supputations douteuses. J'attends qu'il finisse dans un silence de concentration.

- Aucun des passagers ne se souvient de son passé, certains disent se souvenir de quelques éléments mais c'est tout, nous ne savons pas si nous retrouverons un jour tous nos souvenirs.

Donc, personne ne possède de souvenirs. Mon état se retrouve donc dans une généralité. Ça me rassure, je n'aime pas être spéciale, sortir du groupe. Je le ressens au fond de moi. Est-ce vrai? Je ne saurais l'affirmer. Un peu plus de temps, il s'agit de cela qu'il me faudrait. Je le regarde, réfléchissant quelques instants à tout ce qu'il vient de dire. Je ne ressens pas de peur, je ne ressens pas d'anxiété. Rien ne traverse mon corps. Je suis lucide, j'ai beaucoup de sang-froid. Je ne pense qu'à une chose, rassembler des informations, m'informer, trouver des vêtements dignes de ce nom, quelque chose de pratique, tout simplement. Des milliers de questions se bousculent dans mon crâne, mais je ne suis même pas certaine qu'il puisse y répondre. Je regarde mes genoux nus, le tissu de la robe étrange ayant remonté quand je me suis assise. Je dois trouver la question la plus importante. Les ressources, oui. Je me fiche des gens, pour l'instant, quand j'aurais besoin d'eux, j'en trouverai par moi-même. D'ailleurs, j'aimerai bien trouver les réponses à mes questions seules, mais cela prendrait trop de temps. Je ne veux pas perdre de temps, je déteste perdre du temps. Je crois. J'ai l'impression que j'en perds, là, en ce moment. Je dois dire quelque chose, et vite. J'utilise une autre langue, sans raison, subitement, je les mélange même.

-Vous connaissez bien le vaisseau? Vous savez où on pourrait trouver de la nourriture ou... Un endroit où dormir ou.. Je ne sais pas, on a bien du arriver avec autre chose que ça sur le dos non?

Je me gratte la tête, cherchant moi aussi les réponses. Je ne peux pas le savoir, mais je tente de solliciter ma mémoire à long terme. Elle me fait toujours défaut. J'abandonne définitivement. Si je ne dois pas me rappeler, je ne me rappellerai pas, point final. Les souvenirs viendront en vivant, je l'espère. Non, je le sais. Je n'ai rien à espérer. Mon regard soutient celui de mon interlocuteur, sans le lâcher, pénétrant, puissant, imposant presque. Je commence à y voir clair dans la personne que je suis. Dans la partie psychologique en tout cas. Oui.

Je dois être elle. Mais je dois bien savoir mon prénom. Mon nom aussi. C'est important, plus important que le reste.

-...Où est mon prénom?

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« Let's dance »

Let's go

I Il me touche. Il m'a touché, il vient de me toucher. Je n'aime pas ça, pas vraiment. Non, ça me met mal à l'aise, un fer brûlant remue mes entrailles. Mais je me contiens. Je suis forte, je dois être forte, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus m'aider. Utiliser, extraire les infos, et puis on verra. Je le laisse poser ses mains où il le veut pour l'instant, je n'en fais pas un plat, mais je n'affiche aucun sourire; juste un air plat, morne, limite acerbe, mais pas méchant.

« Je suis un des premiers à m’être réveillé, alors je connais relativement bien le vaisseau. Pour la nourriture, l’eau ou pour dormir, ne vous inquiétez pas, je vous ferais visiter, il y a plus important pour le moment … Comme trouver des vêtements, non ?   »

Il m'a regardée de haut en bas, je me suis sentie un peu plus mal, le fer chaud s'est enfoncé dans mon ventre un peu plus. Mais rien n'y parait. Il ne pensait pas à mal, il a de bonnes intentions. Il est sympa. J'imagine que je peux lui faire confiance. Des vêtements. Je me regarde également, les jambes nues, celles-ci sont pourtant assez puissantes, ça se voit. Je suis finement musclée.
Je me demande pourquoi.
Non. Stop.
Je ne dois pas me poser des questions, pas sur cela. Il y a d'autres occupations, d'autres points plus importants. J'hoche la tête lentement, mais je ne dis rien de plus. Pas besoin, inutile. Parler, c'est superflu, surtout pour moi. Il se relève, il me tend la main, mais je ne la prends pas, je me relève de mon propre chef, ma tête ne tourne plus, je me sens déjà un peu mieux. Je crois que j'ai une bonne condition physique. Je n'ai pas besoin d'aide, pas d'aide aussi futile. Rien de tout cela, je vais bien.

« Nous allons chercher des vêtements pour vous et moi, c’est un niveau plus haut, suivez-moi ! Oh ! Et j’allais totalement oublier ! Nous ne nous rappelons pour la plupart pas de nos noms alors nous utilisions une suite de lettres et de chiffres qui se situent ici.   »

Une suite de lettre? Je suis son regard, je regarde les inscriptions que j'avais déjà vue sur ma chair. C'est une bonne idée. Pourquoi pas. Je n'aime pas vraiment, je voudrais mon prénom, mais je ne peux pas, c'est impossible, un cadena en or reste présent. Je ne peux pas abandonner, même si j'aimerais. Mais chaque chose en son temps. D'abord, le suivre. Trouver des vêtements intéressants. Quelque chose qui empêcherait les autres âmes de me dévisager comme ça. Je suis normale, rien de grave, des cheveux roux, des yeux bleus. Tout va bien. J'inspire, il enchaine les paroles, elles parviennent à mes oreilles, mais semblent lointaine. Je suis toujours un peu dans ma bulle.

« HV-258, bonjour ! ... Oh! Et par la même occasion, j’ai également un matricule mais je n’apprécie pas vraiment qu’on m’appelle de la sorte, vous n’avez qu’à m’appeler par un surnom, n’importe lequel, mais pas de CO-807, je vous en supplie. Bien. Vous êtes prête ? »

Je relève les yeux. CO-807 n'est-ce pas. Pourquoi pas. Ca ne m'évoque rien, je ne peux pas avoir d'avis. Est-ce beau? Est-ce laid? Bof. Impossible de le dire. J'inspire de nouveau. Je dois parler j'imagine, là, maintenant. Je ne sais pas quoi dire. Je hoche la tête. Il pourrait juste démarrer non? Non. Il attend ma réponse. Je toussote.

« Je suis prête... Je réfléchis quelques secondes. Un surnom hein... Primo. Mmh.   »

C'est con, mais on va faire comme si. Je me demande d'où ce truc m'est venu. Je m'en fiche, en fait. Il est temps de partir. Je regarde les lumières sans grande expression, j'aimerais juste me reposer, mettre toutes ces informations dans mon crâne, les analyser, les classer pour pouvoir les réutiliser. Je marche en premier, je sais par où sortir, je n'ai pas besoin de le suivre pour l'instant. Je préfère me débrouiller, j'aime me débrouiller, je crois. C'est une nouvbelle certitude? Probablement. Mes yeux se portent sur mes pieds quelques secondes, mais je relève la tête pour regarder derrière moi, je me suis arrêtée, je suis dehors, je n'ai plus le chemin. Une vue superbe, probablement, se dresse devant moi. Oui, c'est joli, je l'avoue. Je souris très légèrement, mais ce sourire s'évapore très vite. Je dois rajouter un truc, je suppose. Un truc comme merci. Non? Je ne sais pas. Je dois. Je devrais. Alors je le fais.

« Enchantée et... Merci, Primo, j'imagine. Pour les infos. J'veux dire. Merci.   »

Je n'arrive pas vraiment à parler de manière fluide, je suis un peu sèche, ça doit être le temps. C'est mieux que rien, non? Si il n'est pas content il n'a qu'à aller se faire foutre, non? Si, surement. Monsieur Primo. J'ai des la chance d'être tombée sur lui, non? Il a l'air cool, et enclin à me parler. A m'aiguiller, à faire quelque chose pour ma situation hasardeuse. Lui faire confiance.

Mais pas trop.

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