Il se réveille, quelque chose comme cela. Il reprend conscience, quelque chose comme cela... Oui, il finit par ressentir à nouveau. Du bout de ses doigts, d'abord. Puis bientôt le reste de son corps répond à l'appel. Silencieusement, lentement. Et il n'aime pas ça. Il n'aime pas la simple résonnance de ses pensées. Il n'aime pas les sensations que lui renvoie sa chair. Il ouvre les yeux. Trop vite. Trop lentement. Il ouvre les yeux et les referme aussitôt. A-t-il oublié à quoi pouvait ressembler la lumière ? A-t-il oublié quelque chose ? Il active ses doigts, il les fait galoper. Et il n'aime pas ça. Non, il n'aime pas vraiment cela.

T'es bien rouillé mon pauvre gamin. Hmhm...
Allez, bouge.

Il s'encourage. Il écoute ses propres pensées. Un peu comme s'il pouvait parler à celui-là. Oui, il est bien étrange. Sans doute parce qu'il ne s'agit que de sa propre réflection. Pourtant, il n'arrive pas à en définir les contours. À se souvenire de ses propres traits.

Ouai, tu dois bien être hideux. Ouai, ça doit être ça. Et alors tu t'es dit : ça va passer. Tout va s'évaporer. Tu as encore réussi ton coup. Je te jure. Et voilà qu'en plus de ça, tu n'arrives même pas à te taire, simplement te taire. Alors que tu te parles à toi-même. Ouai, tu devais être taré. Essaye de te reprendre un peu. Comme tu parlais avant ? Je. Un truc comme ça. Mais qui est "je" ? Hm.

Il finit par se décider. Il finit par laisser cet environnement l'aveugler. Il se sent si fatigué. Il se sent déjà si las. Alors il lève son bras d'abord. Lentement, surement. Comme s'il lui restait tout de même quelques ondes de bon sens. Il ne sait pas trop. Ce bout de corps lui apparait alors. Et bientôt, il se permet de baisser la tête. Et bientôt, il se permet de se contempler. Ou du moins, de contempler ce qu'il sait être sien.

Alors c'est à ça que "je" ressemble ? ... Hm... - On dirait un esquimau périmé. - Je me demande quel gout ça doit avoir. Je me demande bien quelle caresse cela peut procurer. Je me demande bien quel mal cela peut exercer. Je me demande bien... Je me demande bien ce que j'ai dû exercer de ces trois choses. Hm. Je me demande ce que j'aie dû oublier. Fais une liste, idiot. D'abord, moi... Oublié. Ensuite... Hm... J'ai oublié. Ouai, je crois que j'ai oublié tout la liste. Genre, je crois que j'ai tout oublié. Enfin, dans le sens, vraiment quoi. Ha, et puis, tais-toi.

Il lève ce bras oui. Il le lève pour enfin lui permettre de rejoindre son reflet. Il laisse parcourir ses doigts sur son épiderme et il trouve cela quelque peu agréable. Plus que le son de cette voix dans sa tête. Sans que pourtant, il n'entende rien. Il ne sent pas seul pourtant. Il ne se préoccupe pas de cela. Il ne se préoccupe alors, que de sa propre personne. Sans savoir si cela a toujours été le cas. Et enfin, il se relève. Toujours dans cette précipitation insensée. Mais il se dit, qu'il devrait bien y aller.

Je dois encore en retard. - Encore ? - Ouai, je ne devais pas franchement être dans les temps. Et c'est pour ça qu'on m'a planté. Ou Alors, j'étais franchement avarié et du coup...

Il se lève. Il laisse son corps glisser en dehors de ce lit. Il se laisse plutôt tomber. Et ses douces mains le rattrapent. Réflexe ou simple coup du sort, peut importe. Il n'aime pas réellement ça, la sensation que son corps lui permet de ressentir. Cela lui fait, sans doute, bien trop mal. Sans savoir néanmoins, la vraie valeure du mot douleur. Puisque bien évidement, il a oublié. Partit en fumée avec le reste de son existence. Des souvenirs de celle-ci du moins. Alors seulement, il se rend compte de l'immensité de sa solitude. Alors seulement, il se rend compte qu'il est pourtant, bien entouré. Il ne sait pas quoi faire.

Qu'est-ce que je devrais faire ? Réveiller les autres ? Ouai ? Non ? Peux être ? Ho bon sang. Si seulement je savais ce que j'aurais fait. Si seulement je savais ce que ce pauvre monsieur qui détenait mon corps avant moi aurait fait. J'aurais bien aimé qu'il réveille quelqu'un. Juste pour le faire aujourd'hui. Allez va-y, réveille quelqu'un. Réveille-toi en même temps. Ça te donnera une excuse pour faire quelque chose, pour une fois. Pour au moins prétendre vouloir chercher des réponses. Ha mince, arrête de passer de moi à toi. Je ne sais plus où j'en suis. Je veux dire, zut, on dirait que je parle réellement à quelqu'un. Ouai, je dois réveiller un de ces cadavres congelés. Sinon je vais devenir fou. Je pense ? Hm.

Alors il hésite à la toucher, elle. Elle est trop loin cependant. Il se lève. Encore une fois. Il se lève, mainte et mainte fois. Juste pour elle pourtant aujourd'hui. Parce qu'il est simplement indécis. Parce qu'il est simplement incapable de s'occuper de lui-même. Après tout, il n'est plus qu'un simple gamin perdu. Il n'est plus qu'un vague reste de son humanité. Et il n'arrive pas à la retrouver.

Tu n'avais qu'à mieux ranger. Hm. Et regardez moi ça. Est-ce que mon visage ressemble au siens ? Pas mal. On a les mêmes gouts vestimentaires. N'est-ce pas... RA ? Ha mince. Moi ? Oui, moi. Je veux dire, je devrais prêter plus attention à moi. Je devrais arrêter de faire semblant. Mais je n'aime pas vraiment ça. M'occuper de moi. Pas assez d'énergie pour réfléchir convenablement. Surtout pour réfléchir comme je le fais. Va-y prend au moins des informations sur ta propre personne. Va-y, conserve au moins ce corps que tu as bien voulu reprendre. Surtout que j'étais... Hm. Il faut que je range cela quelque part. Il faut que je range ce stupide étranger. Qu'il me laisse le temps de me retrouver. Ensuite, je la retrouverait-elle. Juste comme ça.

Il pose alors ses doigts gelés conte sa joue. Le contact bien plus agréable que celui de sa propre peau. Le contact pourtant bien plus étrange. Bien plus vivant. Il aimerait lui dire de se réveiller. Il aimerait lui transmettre ces quelques pensées agaçantes, à elle. Pour qu'elle chasse ces stupidités de sa tête. Pour qu'elle le laisse se lasser de nouveau. Se taire à nouveau. Pour qu'elle lui dise comment regagner ce silence qu'il venait de quitter. Tout cela pour encore prendre compte de sa propre personne. Et il n'aime pas ça. Non, il n'aime pas oublier. Il n'aime pas sa stupidité. Mais il se demande, si elle ne l'aimerait pas. Juste comme cela. Parce qu'il lui faudrait bien quelqu'un qui pourrait contrebalancer sa propre personne. Qui pourrait un peu ranger tout cela. Toutes ces pensées et toutes questions.

Est-elle folle ? Est-elle réellement folle ? Plus folle que folle ? Ou plus folle que moi-même ? Si je suis fou. Suis-je fou ?

Il fait sa connaissance. Il fait aussi la connaissance de la raison qui l'a poussé à sortir de son doux et profond sommeil. Mais cela ne l'intéresse pas. Mais cela ne parvient même pas à ses pensées. Comme s'il était bien trop occupé. Pour le moment, cependant, il n'a qu'une malade sur les bras. Et il se demande, si cela ne la définissait pas. Elle lui demande son nom. Elle lui demande de se souvenir de ce qu'il ne se souvient pas. Alors il se contenta de la dévisager faiblement. Tout aussi faiblement qu'il la laisse s'appuyer sur elle. Tout autant qu'il se laisse irriter. Ses souvenirs inaccessibles et d'ailleurs trop chétifs pour les chercher. Alors il l'ignore.

Oublié. Complètement oublié. Il ne devait pas être très important. C'est ce qu'on dit. Ha, le reste de ma vie devait être identique. Ou bien trop aigre. Ou bien trop, je ne sais pas quoi. Je devrais au moins me souvenir de mon identité, de mon nom... On m'a désigné comme cela depuis...Depuis combien de temps ? Oublié. Et je dois lui ressembler ? En quoi ?

Il grimace. Elle reste là. En quoi sont-ils semblables ? Il n'aime pas cela. Il ne veut en aucun cas lui ressembler. Il ne sait pas pourquoi, il ne sait pas non. Mais cela ne lui plait pas. Alors il se contente de d'essayer de se tenir droit. Il se contente de ressentir le moindre de ses os, de ses tissus. Il aimerait se sentir humain. Il ne sait pourtant plus pourquoi il l'est. Ou pour qui. Il essaye de faire vibrer l'art de ses propres sons. Il essaye de donner naissance à des mots, mais rien ne vient. Il est bien trop las. Bien trop fatigué par des évènements qu'il n'a pas encore vécus. Ou qu'il ne se souvient pas avoir vécut.

Que souhaiterais-je lui dire ? Que souhaiterais-je mettre en forme ? Quelques simples mots, certes. Mais lesquels ? C'est une perte de temps. Une perte d'énergie. Je n'ai rien à lui dire, de toute manière. Je n'en ai pas la capacité. Et cela serait tellement mieux, oui, tellement mieux, si elle pouvait décider à ma place.

Alors il la dévisage. Alors il contemple ces quelques contours qui lui appartiennent. Devrait-il la trouver à son gout ? Quels étaient ses gouts ? Avait-il ne serait-ce qu'une fois décidé ? Oui, il la dévisageait. Avant de se redresser, de toujours se redresser, et de chercher encore et encore à nouer contact avec elle. Il fronce les sourcils. Il s'agite. Et soudain, il se souvient d'elle. Alors il fait de même. Alors il part à la recherche d'un badge identique. Alors il lui adresse simplement cette simple sonorité. " Ty. " Et il finit par se plaire à s'entendre prononcer ce matricule idiot. Il finit par le trouver charmant. Il trouve sans doute que cela lui correspond. Court et bien inutile.

Dis-lui quelque chose d'autre. Trouve. Ou bouge. Oui, bouge. C'est ce que je devrais faire. Lui demander de me suivre. Je ne sais ou. Lui demander de venir avec moi. Je n'ai pas encore décidé pourquoi. Si elle se souvient alors...

Il fait un pas. Il se décide. " Et toi ? " Il fronce les sourcils. Encore une fois. Il se répète. Toujours. Il semble fait d'habitude. Ou ainsi semble-t-il se définir. Il n'en sait rien après tout. Il se contente d'essayer de se définir. Il soupire doucement. Son souffle soulevant ses côtes engourdies. " Sortons d'ici. " Il n'attend pas sa réponse. Il ne sait pas réellement s'il désire l'entendre. Il ne sait pas réellement si cela a grande importance pour une vie comme la sienne. Pour quelque chose d'aussi flou.